Interview : Separation, le voyage solitaire sur PlayStation VR

Interview : Separation, le voyage solitaire sur PlayStation VR

Sorti tout droit de l’imagination de Martin Wheeler, Separation est un voyage solitaire et mystérieux. Développé par un seul homme, il sera disponible le 3 mars prochain sur PlayStation VR. On parle ici d’un jeu d’exploration/puzzle à l’esthétique minimale. Mais laissons plutôt Martin nous en parler.

YouTube video

Q : Pouvez-vous vous présenter ?

R : Je m’appelle Martin Wheeler. Je fais des jeux depuis l’âge de 13 ans, quand les premiers ordinateurs domestiques 8 bits sont arrivés. Je n’ai pas été sélectionné pour le cours d’informatique à l’école, alors mes parents m’ont acheté un ZX Spectrum et j’ai appris la programmation à partir du manuel. J’ai enregistré mes premiers jeux sur des cassettes et je les ai envoyées par la poste à des entreprises qui avaient de la publicité dans des magazines d’informatique. J’ai reçu beaucoup de lettres de refus, mais j’ai fini par faire publier un jeu avec Virgin Games en 1984. J’avais 14 ans et j’étais encore à l’école à l’époque. Le conseiller d’orientation scolaire m’a dit que « les jeux vidéo étaient une mode passagère » et m’a conseillé « de faire un stage dans un supermarché ».

À 16 ans, j’ai quitté l’école et j’ai rejoint Virgin Games à Londres, où j’ai conçu les graphismes et les niveaux du jeu ZX Spectrum No.1 « Dan Dare – Pilot Of The Future », ainsi que d’autres titres en 8 bits. Depuis, j’ai développé plus de 30 jeux sur différentes plateformes (portable, mobile, PC, console). Je produis également de la musique électronique sous le nom de Vector Lovers.

Q : Qu’est-ce que « Separation » et depuis quand y travaillez-vous ?

R : Separation est un jeu d’ambiance à la première personne (je préfère ce terme à celui de « simulateur de marche »). C’est un voyage spirituel à travers un paysage de désolation et de solitude. Le jeu est basé sur l’exploration avec quelques éléments de résolution de puzzles. L’accent est mis sur l’atmosphère et le mystère. Une bande sonore de 45 minutes d’électronique ambiante fait partie de l’expérience. Le jeu est en développement depuis plus de quatre ans.

Q: Quelles sont les inspirations pour votre jeu et l’histoire qui se cache derrière ?

R : Le jeu s’inspire des thèmes de la solitude, de l’introspection et de la retraite. Les peintures de Caspar David Friedrich ont eu une influence directe sur l’ambiance du jeu. J’aimerais pouvoir entrer dans l’un de ses paysages. Il y a un silence, une lumière sublime dans son travail, que j’ai essayé d’imiter en VR. J’ai également été influencé par le style visuel de jeux comme « Ico » et « Shadow Of The Colossus » de Fumito Ueda. Le jeu n’a pas d’histoire de fond en tant que telle mais il y a un récit symbolique. Le joueur cherche un moyen de déverrouiller le Temple des Douleurs, de libérer l’esprit qui y est emprisonné. Il est très inspiré par la tradition hermétique d’aller dans la nature, de se retirer dans la solitude, de trouver des réponses intérieurement.

Q : Pourquoi avoir choisi le PlayStation VR comme plateforme ?

R  : J’ai été enthousiasmé par le potentiel de la VR quand je l’ai essayé pour la première fois. J’ai adoré la réelle perception de la profondeur et la liberté de pouvoir regarder naturellement à l’intérieur du monde du jeu, sans les limites de l’écran plat. Je pense que la VR offre une expérience de jeu unique et je voulais créer un paysage dans lequel le joueur pourrait se promener librement et s’immerger. J’ai développé le premier prototype sur Oculus Rift, puis je suis passé au PlayStation VR lorsque Sony a proposé de soutenir le développement.

Q : J’ai vu sur Twitter que vous travaillez à temps partiel et que vous programmez sur le même ordinateur que votre fils utilise pour jouer à Fortnite. Comment gérez-vous votre famille, votre travail et votre développement ?

R : Ce n’est pas facile. A quoi je pensais ? Je n’avais jamais fait un jeu de cette envergure tout seul auparavant. Je n’avais que des fonds minimes et aucun autre revenu. Pour payer le loyer, j’ai pris des emplois à temps partiel, ne laissant que quelques jours par semaine pour me concentrer sur le jeu. En tant que développeur solo, j’avais beaucoup à apprendre, travailler avec la PlayStation et avec la VR était tout nouveau pour moi. Mon plan initial (une année de développement) était très optimiste. Cela a pris beaucoup plus de temps, évidemment. Avoir terminé le jeu dans ces circonstances est un exploit, je suppose. Si le jeu fait des bénéfices, j’achèterai un nouveau PC et mon fils pourra avoir l’ancien :-).

Q : J’ai aussi vu que vous avez perdu un être cher, ce jeu est-il en quelque sorte un hommage ?

R : Mon père est mort en 2010. Il a toujours été là pour moi et son absence a été difficile à accepter ; j’ai eu des périodes de dépression depuis. Separation est une réflexion sur les sentiments de tristesse et de perte. Dans le jeu, le joueur suit et parfois dirige un chemin de lumière, pour finalement parvenir à la libération. C’est un voyage symbolique. Faire face au chagrin, le surmonter en l’acceptant, y entrer. Rien de tout cela n’est explicite dans le jeu, mais c’est là si vous le cherchez.

Q : Avez-vous fait tout cela tout seul ?

R : Presque ;-). J’ai eu un peu d’aide avec certains modèles 3D. J’ai aussi utilisé quelques ressources achetées et de l’open source pour gagner du temps. Je n’aurais pas réussi sans l’aide de Unity et de Sony, ainsi que de nombreux autres développeurs de jeux qui ont partagé leurs problèmes techniques sur les forums. Faire un jeu est un gros travail pour une personne. Écrire et déboguer le code, modéliser et construire l’environnement, essayer de créer mes propres shaders, produire la musique et les effets sonores, faire des tests de jeu. Le plus dur, c’est quand vous êtes malade ou qu’il y a une crise familiale : il n’y a personne pour faire avancer le projet, tout s’arrête. J’aimerais vraiment créer une équipe pour mon prochain projet :-).

Q : Quelle est la partie la plus difficile dans la réalisation d’un jeu VR ?

R : La VR est très gourmande en processeur. Maintenir le jeu à la fréquence d’images de 60 images/seconde requise est un défi. Une grande partie du temps passé dans le développement du jeu a été perdue à optimiser, à profiler et à essayer de comprendre pourquoi certaines choses provoquent un ralentissement. C’est la partie la moins agréable pour moi, car il ne s’agit pas de créer ou de développer un jeu, mais de se battre contre les contraintes matérielles.

Q : Quels sont vos rêves pour vos jeux ? (Prix, appel d’un grand studio, etc.)

R : J’espère que les gens prendront plaisir à explorer l’espace virtuel que j’ai créé et qu’ils y trouveront quelque chose de spécial, quelque chose de significatif qui les touche. Si le jeu se vend suffisamment pour être rentable, afin que je puisse continuer à développer des jeux, ce serait fantastique.

Q : Si c’est un succès, prévoyez-vous de travailler sur un autre jeu ?

R : J’aimerais continuer à mettre à jour le jeu, s’il a du succès. J’aimerais avoir la possibilité de travailler sur une suite, peut-être avec une équipe de deux ou trois autres développeurs de jeux.

Disponible le 3 mars 2020 sur PlayStation VR, Separation est bien plus qu’un jeu. Il représente le travail d’un homme qui veut partager son amour du jeu vidéo et croit au potentiel émotionnel que la réalité virtuelle est capable d’apporter aux joueurs. Si vous ne voulez pas rater l’actualité future concernant Separation, continuez de consulter et lire Realitevirtuelle.com.

Ceci peut également vous intéresser



1 réflexion au sujet de « Interview : Separation, le voyage solitaire sur PlayStation VR »

  1. Super interview. Mais ça aurait été bien de signaler qu’il est aussi le créateur du célèbre Sorcery (Tilt d’Or 1985) 🙂

    Répondre

Laisser un commentaire